Le 24 mars dernier, nous nous sommes entretenus avec Amélie Chabot, étudiante diplômée de la maîtrise en travail social à l’Université Laval, sous la direction de Marie-Christine Saint-Jacques, professeure titulaire à l’École de travail social et de criminologie.
En décembre 2022, Amélie a obtenu son diplôme et déposé son mémoire ayant pour titre : L’intervention familiale lorsque les parents sont séparés : l’expérience de travailleuses sociales œuvrant auprès d’enfants ayant des problèmes de santé mentale. Lors de son parcours à la maîtrise, Amélie a été lauréate de la bourse Ténacité en 2021, offerte par la Fondation Francis & Geneviève Melançon.
Occupant actuellement un poste comme coordinatrice des services d’intervention pour Le Diplôme avant la Médaille, un organisme communautaire luttant contre le décrochage scolaire, Amélie a accepté de partager avec nous son expérience à la maîtrise.
En quelques mots, est-ce que tu peux nous décrire ton projet de recherche de maîtrise ?
C’est une recherche exploratoire pour connaître l’expérience de travailleurs sociaux et travailleuses sociales dans un champ en particulier. Il y a beaucoup de TS qui travaillent en famille, jeunesse... mais j’ai remarqué que dans ce secteur-là, ils et elles font beaucoup face à des familles dont les parents sont séparés - c’est de plus en plus commun. Souvent, l’intervention familiale mise sur le systémique et sur l’implication des parents et il y a beaucoup de recherches sur les impacts de la séparation parentale, mais je me demandais : « comment les travailleurs sociaux et travailleuses sociales réussissent à composer avec les meilleures pratiques au niveau de l’intervention familiale et systémique, tout en composant avec les défis que la séparation parentale peut occasionner en intervention ? ». Généralement, les suivis ne sont pas, à la base, liés à la séparation parentale, il s’agit plutôt de demandes liées aux difficultés en santé mentale de l’enfant, donc, je me suis intéressée à savoir : « comment iels composent avec l’enjeu de la séparation parentale dans leurs suivis familiaux pour aider l’enfant ? Quels sont les obstacles, les enjeux ? Comment iels s’adaptent à cela ? ».
Quelles étaient les motivations pour t’inscrire au 2e cycle universitaire ?
Moi, j’ai fait un baccalauréat en psychologie. Après un baccalauréat, on se demande : « on va vers où ? Est-ce que l’on continue vers un doctorat ? Est-ce que l’on va directement sur le marché du travail ? ». En regardant ce qui s’offrait à moi, il y avait l’option de la maîtrise en travail social. Je me suis informée sur ce que c’est le travail social et j’ai réalisé que cela correspondait à ma personnalité et à mes valeurs. Donc, j’ai réalisé que j’étais peut-être plus une travailleuse sociale qu’une future psychologue [rires]. Au lieu de faire un deuxième baccalauréat, j’ai suivi une année préparatoire pour aller chercher des connaissances de base en travail social et j’ai poursuivi au deuxième cycle, directement.
Lorsque tu penses à ton cheminement académique, qu’est-ce qui te rend le plus fière ?
C’est vraiment d’avoir été au bout du projet de recherche, parce que lorsqu’on commence une maîtrise en travail social, on a le choix de soit faire un projet d’intervention ou un mémoire de recherche. Moi, j’ai choisi le mémoire de recherche pour la liberté qu’il me procurait, contrairement au projet d’intervention pour lequel nous avions moins de choix au niveau du milieu et du sujet, tandis que le mémoire c’est nous qui choisissions sur quoi nous voulions le faire et cela m’interpelait, cette grande liberté. Par contre, je pense que j’avais sous-estimé le travail que cela demandait. Lorsque mes ami·es en projets d’intervention ont terminé avant moi, j’ai réalisé : « ok, je me suis embarquée dans quelque chose quand même gros », et j’ai commencé à travailler en même temps aussi. Donc, d’avoir été capable de combiner les deux, sans me dire : « ah je suis déjà sur le marché du travail » et d’abandonner, plutôt continuer en parallèle et d’aller jusqu’au bout. On se demande parfois : « quand est-ce que cela va terminer ? », car c’est un gros processus, et même lorsque nous approchons de la fin, nous avons toujours le goût de le perfectionner et cela devient un projet de grande envergure. Ce qui me rend fière c’est d’avoir persévéré et d’être allée jusqu’au bout. C’est plus gros que l’on s’imagine : à chaque étape, c’est une nouvelle étape que nous ne connaissons pas, si nous n’avons jamais fait de recherche, donc c’est nouveau à chaque fois.
Quels ont été les défis lors de ton parcours au cycle supérieur et comment as-tu réussi à les surmonter ?
Je crois que le principal défi était d’essayer d’estimer le temps que peut prendre chaque étape de la recherche, d’essayer de jongler avec le travail et la vie personnelle, tout cela en essayant d’avancer à un rythme convenable pour que cela ne s’éternise pas trop. Cependant, lorsque nous n’avons pas beaucoup pataugé dans la recherche, chaque étape, même si on essaie d’estimer le temps que cela peut prendre, tant qu’on ne le vit pas, on ne le sait pas, donc à chaque étape, je me plongeais dans l’inconnu. Je pense que c’était un défi, qui était intriguant : faire des nouvelles découvertes qui n’étaient pas comme je le pensais, mais qui étaient intéressantes et d’ajuster mon idée de départ à la réalité lorsque j’entrais en contact avec cette étape.
Est-ce que tu travaillais à temps plein en travail social pendant ton cheminement ?
Oui, j’ai eu des moments où je travaillais temps plein pendant ma maîtrise. Vers la fin, j’ai diminué mes heures de travail, car je devais faire un choix, sinon, cela devient un cercle vicieux où tu veux travailler pour avoir plus d’argent, mais finalement, payer plus d’études pour poursuivre. Avec mon baccalauréat en psychologie, je pouvais déjà travailler en intervention, cependant, je n’avais pas le titre de travailleuse sociale, donc cela aussi a été une motivation pour aller jusqu’au bout. Je pense que si j’avais eu un baccalauréat en travail social, je n’aurai pas autant persévéré parce que le titre de professionnelle, je l’aurais déjà eu. Je suis contente d’avoir eu cette motivation pour aller chercher le titre pour lequel je travaille depuis des années, mais finalement aussi, cela m’a fait découvrir la recherche, qui est une autre branche à mon arc.
Est-ce que tu as des conseils pour les étudiant·es qui sont actuellement dans le processus de recherche / de rédaction ?
Lorsque cela fait longtemps, on peut perdre de vue le pourquoi on le fait, mais vraiment, je me l’étais fait dire qu’à la fin, nous serons vraiment contents et contentes, mais parfois, nous sommes tellement épuisé·es que nous n’y croyons plus, mais à la fin, nous avons réellement une grande fierté. Moi, cela m’a pris 4 ans parce que je travaillais en même temps, mais dès qu’on le fini, nous avons des personnes qui s’intéressent au projet, cela prend du sens pour les personnes sur le terrain et on le comprend pourquoi nous l’avons fait, une fois que c’est terminé. La discussion et la conclusion vient donner sens à tout ce qui est fait depuis le début.
Quels sont tes projets actuels ou futurs en lien avec ta formation académique ?
Je travaille toujours en intervention parce que j’ai le désir d’aider les gens et sentir que je fais une différence. À chaque fois que je côtoie le réseau de la santé, le public, je me sens un peu ambivalente dans la différence que je fais. Je travaille aussi au privé et au communautaire en ce moment pour combler ce besoin de pouvoir intervenir à ma couleur et sentir que je peux faire une différence, mais je regarde actuellement les possibilités de faire : moitié intervention, moitié recherche, parce que j’ai réalisé que nous pouvons faire une grande différence avec la recherche. Si nous voulons que les choses changent, c’est à cela que sert la recherche : faire ressortir des éléments qui ne fonctionnent pas, proposer des solutions et des alternatives.
En ce moment, je travaille dans le milieu communautaire auprès d’un organisme qui lutte contre le décrochage scolaire et je suis coordonnatrice. Je ne suis pas exactement en intervention, mais je coordonne tous les acteurs et actrices qui agissent auprès des jeunes pour les amener à persévérer à l’école. Je m’assure que l’organisme fonctionne bien. Cet emploi émerge du désir d’action, d’être moins dans le « one-on-one ». Je n’avais pas besoin du diplôme de maîtrise pour être coordonnatrice, mais je réalise en ce moment que les organismes communautaires, étant à moins grande échelle, ont plus un désir d’améliorer l’offre de services, donc j’ai l’impression qu’avec cette expérience, j’apporte beaucoup de réflexions auprès de l’organisme sur les façons de faire différentes et j’ai une approche réflexive, une approche critique, qui fait réfléchir, qui peut permettre de rendre les services mieux adaptés aux populations. Je me permets cette liberté puisque je suis au communautaire, puisque si nous ne sommes pas engagés en recherche au niveau public, si nous sommes en intervention, nous avons moins cette possibilité de suggérer des améliorations. Sans avoir un poste de recherche, sentir que nos commentaires, nos suggestions sont écoutées, le communautaire c’est un beau milieu pour cela, puisqu’il a une certaine flexibilité et une autonomie au niveau du fonctionnement. Finalement, au niveau privé, à temps partiel, je fais de l’intervention avec des enfants dans une clinique multidisciplinaire, en travail social.
- Consultez sa page professionnelle ici.
- Consultez son entrevue avec Ulaval Nouvelles : « Pour un meilleur soutien des jeunes en difficulté »
- Si le sujet de la séparation parentale vous intéresse, nous vous invitons à consulter le Partenariat de recherche Séparation parentale, recomposition familiale (ARUC), dont Amélie était aussi membre étudiante